C’est l’un des termes que de nombreux dirigeants d’entreprise ont à l’esprit en ce moment. En plein « backlash » écologique des deux côtés de l’Atlantique - un mouvement plus marqué, reconnaissons-le, aux Etats-Unis depuis le retour de Donald Trump à la Maison Blanche. La Commission européenne s’apprête à rendre sa copie ce mercredi 26 février sur ce projet législatif très attendu dans les milieux économiques et financiers du Vieux continent. De fait, Omnibus promet d’alléger la charge administrative qui pèse sur les entreprises. Un choc de simplification qui passera par une révision en profondeur du « Pacte Vert » européen.
Une ambition forte
Aussi appelé « Green Deal », ce paquet de réglementations adopté en juillet 2021 aspirait à faire de l’Union européenne le premier continent neutre en carbone d’ici 2050, avec plusieurs étapes intermédiaires (réduction d’au moins 55 % des émissions nettes de gaz à effet de serre d’ici à 2030 par rapport à 1990, plantation de 3 milliards d’arbres supplémentaires d’ici la fin de cette décennie…). Afin d’embarquer les institutions financières et les entreprises dans cette dynamique vertueuse, plusieurs règlements et directives ont ainsi vu le jour. Parmi eux figurent la taxonomie verte, qui a instauré un système de classification des activités économiques permettant d’identifier celles qui sont durables sur le plan environnemental ; le règlement SFDR (Sustainable Finance Disclosure Regulation) qui impose aux sociétés de gestion de classer leurs fonds selon leurs objectifs et ambitions dans le domaine ESG (fonds Article 6, fonds Article 8 et fonds Article 9) ; la directive CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) qui impose à près de 10 000 entreprises françaises de publier un nouveau rapport de durabilité, enrichi d’une multitude d’indicateurs extra-financiers standardisés ; et la directive CS3D (Corporate Sustainability Due Diligence Directive) qui généralise le « devoir de vigilance » - déjà en vigueur en France depuis 2017 - à l’ensemble des sociétés européennes et renforce les obligations dans la gestion de leurs chaînes d’approvisionnement.
Relancer l’investissement
Face à la charge de travail induite par ces textes, les associations professionnelles et les grands groupes n’ont eu de cesse, ces derniers mois, de dénoncer la lourdeur de ce Pacte Vert et le fait qu’il générerait un désavantage compétitif pour les agents économiques européens face à des concurrents internationaux qui ne sont pas soumis aux mêmes règles. Ce sont cette exaspération et ces efforts de lobbying intenses qui ont donc amené les instances communautaires à opérer ce demi-tour, en promettant d’assouplir les exigences dans ce domaine. Restriction du périmètre d’application de la CSRD, abandon de la CS3D… Le suspense quant aux options retenues par la Commission sera très bientôt levé.
Or cette démarche me laisse quelque peu circonspect - et vous ? Qu’en pensez-vous ?
Certes, toute volonté des pouvoirs publics de desserrer le carcan de règles qui étouffe nos entreprises, et notamment nos clients PME-ETI qui n’ont pas les mêmes ressources que les grands groupes pour y faire face, mérite d’être saluée. Surtout vu de France, où notre pays a la palme d’or pour anticiper la mise en œuvre et à « sur-transposer » des dispositions réglementaires s’impose depuis des lustres comme un sport national dans lequel nous sommes devenus les champions incontestés. Pour autant, le choix de la Commission de cibler la RSE m’apparaît contestable à plusieurs titres. i) Sur un plan écologique, déjà, alors que les manifestations de l’urgence climatique se multiplient à un rythme et avec une intensité préoccupante (incendies, épisodes de sécheresse extrême, inondations...). ii) Sur un plan financier, ensuite, parce qu’il ne fait plus aucun doute que seules les entreprises les mieux armées dans le domaine de la RSE - et c’est justement ce à quoi prétend le Pacte Vert – bénéficieront, demain, du soutien des banques et des investisseurs. iii) Sur un plan politique, enfin, car cette décision de la Commission européenne de jeter en pâture toutes ces avancées durables vient occulter, selon moi, un sujet bien plus important aujourd’hui pour la compétitivité et la résilience de notre économie : la nécessité de ses acteurs, publics et surtout privés, d’investir.
Désindustrialisation rime avec pollution
Comme vient de le signaler l’Insee, l’investissement s’est nettement replié en France l’an dernier (-1,5 % après +0,7 % en 2023). Fraîchement publiée, l’édition 2025 du Baromètre de l’attractivité des territoires de la SCET, une filiale de la Caisse des Dépôts, pointe quant à elle un recul de 5 % du nombre de projets d’investissement mis en œuvre dans nos territoires entre 2023 et 2024. A eux seuls, les projets industriels, « pourtant essentiels à la réindustrialisation du pays » comme le relève la SCET, se sont inscrits en retrait de 17 %. Comme si cela ne suffisait pas, plusieurs entreprises françaises et étrangères ont récemment annoncé le gel ou l’annulation d’investissements massifs sur nos territoires, souvent liés à la thématique de la décarbonation. C’est le cas par exemple, rien que dans les Hauts-de-France, d’Eramet (projet de recyclage de batteries), d’ArcelorMittal (projet d’acier décarboné) ou encore de la société canadienne Li-Cycle (projet d’usine de recyclage de batteries de voitures électriques également).
Entre les impacts sur l’emploi et ceux sur la vitalité de nos régions, deux problématiques chères au Groupe ADVISO, on ne peut que déplorer cette tendance. Ce qui risque par ailleurs d’accentuer notre décrochage industriel et, par là-même, écologique. Dans une étude éclairante parue en octobre dernier, Rexecode fait en effet remarquer que la vague de désindustrialisation qu’a vécue la France au cours des décennies précédentes a provoqué une hausse de nos émissions de gaz à effet de serre importées, affectant ainsi notre empreinte carbone. Rexecode de conclure que la réindustrialisation de la France constitue « un levier de décarbonation mondiale » majeur. Mais encore faut-il investir !
Des opportunités à saisir
Cela tombe bien car les opportunités ne manquent pas, que ce soit en matière de Capex ou de croissance externe - en ce début d’année, l’activité de notre branche Adviso Impact bat son plein. Quant aux partenaires financiers, banques comme fonds d’investissement, ils ne demandent qu’à financer de tels projets, surtout lorsqu’ils intègrent une dimension durable. Ajoutés à cela des taux d’intérêt qui actuellement en baisse continue, on peut dire que beaucoup de feux sont... au vert.