Par Bertrand Thimonier,
Président d'Adviso Partners
Le marché français du capital-investissement a décidément la cote. Alors que la crise sanitaire et la violente récession que nous avons connues l'an dernier n'avaient affecté que marginalement les levées de fonds dans le non coté (18,5 milliards d'euros, après le record de 20,9 milliards atteint un an plus tôt), l'activité est devenue particulièrement dynamique au cours du premier semestre dans l'Hexagone. Selon les statistiques que vient de publier France Invest, 10 milliards d'euros ont en effet été levés sur la période par les acteurs du private equity. Surtout, le nombre d'entreprises nouvellement accompagnées s'est inscrit en légère hausse, à 1 167, avec un montant investi global de 10,5 milliards d'euros. Un record !
40 % des montants investis dans des LBO primaires
Illustrant la bonne image que les dirigeants de start-up, PME et ETI ont du capital-investissement, 40 % de cette somme a été « mise au travail » dans le cadre de LBO primaires. Autre motif de satisfaction, cet engouement est national. Même si l'Ile-de-France continue de concentrer la majorité des transactions (57 % des volumes), des deals ont été bouclés dans l'ensemble des régions, avec un réel dynamisme relevé en Rhône-Alpes (91), en Provence-Alpes-Côte d'Azur (59), en Nouvelle-Aquitaine (53) ou encore dans le quart Nord-Est (50). Mais du côté de Lille ou de Nantes, où Adviso Partners est présent en plus de Paris, Bordeaux et Lyon, les voyants sont aussi clairement au vert. Une tendance appelée à perdurer ?
Il est vrai qu'avec les quelque 141,15 milliards d'euros de Prêts garantis par l'Etat (PGE) distribués à ce jour, bon nombre d'entreprises n'affichent aujourd'hui aucun besoin financier, tant en bas qu'en haut de bilan, même dans l'optique où elles devraient réaliser une acquisition dans les semaines à venir. Il est vrai également que l'arrivée des Obligations Relance sur le marché, qui permettront à certaines ETI d'emprunter de la dette subordonnée remboursable in fine à 8 ans, est susceptible d'offrir aux intéressées une alternative attractive (coupon d'environ 5,5 %) à l'entrée d'un fonds à leur capital. Il est vrai, enfin, que la crise aura eu comme conséquence de rendre les investisseurs dans le non coté encore plus sélectifs (recherche d'entreprises ayant fait preuve de résilience, avec un axe digital et une stratégie RSE éprouvée).
Des valorisations au sommet
Pour les entreprises susceptibles de faire partie des heureuses élues, il peut cependant sembler opportun d'accueillir, sans tarder, de nouveaux partenaires à leur tour de table. Du moins d'y réfléchir. Déjà, la présence de liquidités abondantes aux mains de gérants plus exigeants contribue à tirer les multiples de valorisation vers le haut, ou à les stabiliser à des niveaux historiquement élevés : 11 fois l'Ebitda au troisième trimestre en Europe selon l'indice Argos, après 11,6 fois lors du trimestre précédent. Compte tenu du temps qu'il faudra pour épuiser la « poudre sèche » existante (1 400 milliards de dollars dans le monde, selon McKinsey), les niveaux de valorisation proposés aux dirigeants ne devraient pas retomber de sitôt. Bien au contraire, ils pourraient même, dans certains secteurs comme la santé et la tech, poursuivre leur trajectoire haussière. Cette perspective globale paraît d'autant plus vraisemblable que le financement de telles opérations n'a jamais été aussi facile d'accès et attractif qu'aujourd'hui en raison à la fois des taux bas et de la compétition exacerbée que continent de se livrer les banques et les spécialistes de la dette privée (term loans B, mezzanine, unitranche).
Une logique patrimoniale
Sans même insister sur les divers bénéfices que les chefs d'entreprise pourront retirer de l'accompagnement d'un actionnaire professionnel (ressources pour accélérer leur croissance, plus grande visibilité auprès des partenaires commerciaux et financiers, optimisation des processus de pilotage...), la fenêtre actuelle semble donc idéale pour mener à bien une transaction de capital-risque (segment très actif ces derniers mois) ou de capital-développement, mais aussi, voire surtout, de capital-transmission... Qu'ils soient ressortis éprouvés de la gestion de crise des dix-huit derniers mois, ou qu'ils aient tout simplement pris conscience de la fragilité de leur actif dès lors que survient un événement aussi imprévu que brutal que la pandémie de Covid, de nombreux clients d'Adviso Partners ont en effet récemment engagé des opérations de ce type dans le but notamment de sécuriser une partie de leur patrimoine personnel, tout en posant les premiers jalons de l'après. Difficile, dans ce contexte, de ne pas imaginer le marché du capital-investissement poursuivre sa marche en avant...