Par Bertrand Thimonier,
Président d'Adviso Partners
Les financements à impact, engagement RSE du capital investissement.
La vague ESG est définitivement en passe de submerger le monde français du capital investissement. Six ans après le lancement de l'initiative pionnière « Initiative Climat 2020 (IC20) » par cinq acteurs de premier plan (Ardian, Apax, Eurazeo, LBO France et PAI Partners), soucieux de lutter plus efficacement contre le réchauffement climatique, c'est l'industrie dans son ensemble qui se convertit progressivement à la cause environnementale. Cette dynamique est d'ailleurs devenue un axe stratégique de Claire Charrier, nouvelle patronne de France Invest. Parmi les derniers exemples en date, Eurazeo s'engageait il y a quelques jours à « atteindre la neutralité nette carbone à l'échelle de son portefeuille d'ici 2040 », tandis que Tikehau annonçait la création d'un « Centre d'Action Climat » avec la volonté de « dédier plus de 5 milliards d'euros d'actifs sous gestion d'ici à 2025 pour combattre l'urgence climatique ».
Concilier l'inconciliable !
L'ampleur des moyens mis en oeuvre par les sociétés de gestion concernées pour améliorer leurs pratiques dans ces domaines - et celle des entreprises de leur portefeuilles -, de même que la pression croissante de leur LP's sur les sujets RSE, vont finir par accréditer la sincérité de leur démarche. Pour autant, la tentation peut être grande, chez certains, d'y voir des velléités de « green washing » ou de « social washing ». L'objectif intrinsèque d'une PME-ETI sous LBO consistant à maximiser la génération du cash-flow notamment par la limitation des investissements RSE, il n'est pas infondé de penser, il est vrai, que les actions entreprises pour y parvenir ne soient pas totalement en phase avec la préservation de la planète ou avec une prise en compte toujours bienveillante du capital humain.
Il se pourrait néanmoins qu'une innovation contribue à démontrer qu'il est possible de concilier ce qui, de prime abord, peut paraître inconciliable : les financements dits à un impact. Apparus, il y a trois ans environ dans la sphère corporate, ces crédits présentent la particularité d'inclure un mécanisme d'indexation de la marge. Bien que la structuration puisse varier d'une opération à l'autre, la philosophie reste la même. Si l'émetteur vient à respecter les critères RSE prédéfinis auprès des prêteurs, alors son « spread » se trouve minoré de quelques points de base, voire de quelques dizaines de points de base. Un échec dans l'atteinte de ces critères entraîne, à l'inverse, une majoration du « spread » dans les mêmes proportions. La récompense ou la sanction à la clé sont telles qu'elles ne peuvent qu'inciter les actionnaires à investir et à déployer des stratégies ambitieuses sur le front RSE... et les mener à bien.
Près d'un tier des dettes unitranche concernées.
Depuis quelques mois, ces financements ESG ou RSE se généralisent dans l'univers du LBO, c'est les cas en Europe (Roompot aux Pays-Bas, RSK group au Royaume-Uni, Masmovil en Espagne...), et tout particulièrement en France, où les exemples commencent à se multiplier : Vivalto Santé, Prosol, Ramsay Santé, Cerelia, Elsan, Moustache Bikes... Outre les lignes bancaires à impact, autrement appelées « sustainability-linked loans », cette tendance gagne d'autres instruments prisés des fonds de Private Equity, comme la dette unitranche. Aujourd'hui, près d'une sur trois intégrait des critères RSE. Et à en croire les professionnels du Private Equity, le mouvement n'en est qu'à ses débuts !